archeologie gallo-romaine Bourgogne

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Le dieu aux 2 oiseaux

LE DIEU AUX 2 OISEAUX.

 

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En plusieurs endroits, une divinité tantôt mâle, tantôt féminine est représentée en compagnie de deux oiseaux ; les sites sont Mont-Auxois, Alésia, Nevers, Compiègne et Luxembourg. Sur les monuments de Nevers, ce personnage est joint au dieu au marteau. Comme à Alésia, Compiègne et Beaune, lesoiseaux sont au-dessus de l’épaule de la divinité, vers laquelle ils tournent le bec. Sur la statue de Compiègne, il y a outre les deux oiseaux qui tendent le bec vers l’oreille du dieu, deux autres qui sont à la hauteur de sa poitrine. Sur la statue d’Alésia, il y a un personnage masculin entre deux oiseaux ; à ses pieds est assis un chien tricéphale;
La même image se trouve aussi sur des chapiteaux : à Martigny le personnage est masculin, à Avenches il est féminin;
 

 

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voici à gauche le Dieu aux 2 oiseaux et à droite Sucellos (maillet, Olla et chien)

 

 

Peut-on déterminer l’espèce de ces oiseaux ?

 

D'abord, il faut distinguer  

Les colombidés, Qui regroupent les  Tourterelle, les colombes ( qui sont des tourterelles blanches!), Et les pigeons ( biset, colombin et ramier que l on nomme aussi palombe)

Et Les corvidés qui englobent corbeaux, corneilles, chocard et choucas

 

Selon les cas et les spécialistes, il a pu s’agir de corbeaux comme de colombidés. Les deux types ont pourtant des faciès bien distincts. Prenons l’exemple des volatiles du dieu de Moux-Corgoloin. Ils sont assez fidèlement représentés pour qu’on puisse les reconnaître : leur long bec acéré, légèrement courbe, et leur panse peu rebondie et plutôt allongée suggèrent l’appartenance au genre Corvus, corbeau ou même et plus vraisemblablement corneille. Cela étant dit, il faut reconnaître que la stèle de Moux fait figure d’exception. Le bec court et la panse arrondie qui sont caractéristiques des autres représentations évoquent davantage un oiseau du genre Columbidae, ainsi que l’avait considéré avant nous et de façon générale P.-M. Duval (1957, p. 53) ; le même constat avait été fait pour des cas plus précis comme le buste découvert en 1907 à Alésia (TOUTAIN, 1920, p. 278-279). Toutefois, pour déterminer l’espèce de l’oiseau représenté, il faut que sa tête soit conservée, ce qui est rare ; de plus, le souci des sculpteurs était probablement moins naturaliste que ce qu’on se plaît parfois à croire. Enfin, il est probable que la colombe et le corbeau partagent une même fonction magique (COLOMBET, 1949, p. 239).

 

Dernier point sur les oiseaux, il faut reconnaître leur disproportion par rapport à la tête du dieu. Ceci participe à l’idée selon laquelle le souci réaliste ne préside pas à ce genre de réalisation. Leur taille exagérée pourrait donner l’idée qu’ils protègent le dieu de leur large silhouette. Il s’agit en fait plus probablement d’un procédé typique des figurations divines gallo-romaines : l’oiseau étant l’élément signifiant du groupe, son amplification vient à la fois faciliter l’identification du dieu pour le fidèle et surtout accroître son intensité symbolique.

 

Néanmoins, la plupart croient reconnaître le pigeon. Cela cadrerait bien avec les dessins des pigeons que, dans plusieurs sites (par exemple dans le sanctuaire gallo-romain de Beire-le-Châtel, près de Dijon), on a trouvé sous les offrandes consacrées.


Les traits de la divinité sont tout aussi vagues ; c’est en général un dieu, mais qui est soit vieux, soit jeune ; c’est rarement une déesse.
Si les oiseaux sont des pigeons, on est tenté, à cause de la fonction de cet animal dans l’antiquité classique, de penser à quelque dieu de la fécondité. Toutain déjà cherchait à le rapprocher des génies de la croissance, des sources et des lacs.

Mais cela n’explique pas pourquoi les oiseaux tournent le bec vers l’oreille du dieu. Est-ce fortuit ? P. M. Duval, qui croit, lui aussi, plus à des pigeons qu’à des corbeaux, se demande, sans en être sûr, si ce ne seraient pas des oiseaux oraculaires. Les colombes de Dodone le feraient croire. Mais est-il si sûr qu’il faille tabler sur des pigeons ? Ne serait-il pas possible que, sous l’influence des modèles gréco-romains, la silhouette du pigeon ait remplacé celle du corbeau ? Il y a en tout cas des exemplaires qui peuvent s’appeler corbeau autant que pigeon. W. Deonna rappelle le monument de Saarburg, sur lequel la déesse Nantosuelta tient dans sa main gauche une maison miniature sur laquelle perche un corbeau. Certes il n’est pas légitime de tirer de cette image des conclusions sur la nature du dieu aux deux oiseaux, mais il est hors de doute que le corbeau également était pour les Gaulois un animal sacré.

Les deux oiseaux semblent chuchoter quelque chose dans l’oreille du dieu. On ne peut s’empêcher de penser à l’idée scandinave que les deux corbeaux d’Odhin parcourent quotidiennement le monde et se posent le soir sur ses épaules pour lui dire ce qu’il apprit pendant la journée. La ressemblance des deux tableaux me semble assez grande pour justifier qu’on se demande si l’idée religieuse n’est pas la même chez les Celtes que chez les Germains.

Il faut rappeler également la légende de la fondation de Lugdunum, où il est question de la fondation de corbeaux ; en effet, le corbeau était aussi l’attribut du dieu Lug. La légende veut que Bélovèse et Ségovèse aient remporté leurs victoires grâce à des corbeaux. Strabon parle d’un « port des deux corbeaux », sur la côte de l’Océan, et nous apprend que ces oiseaux, qui avaient une aile blanche, apaisaient les conflits. On peut donc considérer comme certain qu’en Gaule le corbeau était un oiseau oraculaire

 

En Grèce, le corbeau était consacré à Apollon, la corneille à Athéna. Ce sont des corbeaux qui déterminèrent l'emplacement de l'omphalos de Delphes, selon Strabon ; des aigles, selon Pindare ; des cygnes, selon Plutarque. Ces trois oiseaux ont au moins ceci de commun qu'ils jouent le rôle de messager des dieux et remplissent des fonctions prophétiques. Les corbeaux étaient également des attributs de Mithra. Ils passaient pour doués du pouvoir de conjurer les mauvais sorts.

Le corbeau apparait très souvent dans les légendes celtiques où il joue un rôle prophétique. Le nom de Lyon, Lugdunum, a été ainsi interprété par le Pseudo-Plutarque, se fondant certainement sur des traditions gauloises, en colline du corbeau, et non plus en colline de Lug parce qu'un vol de corbeaux aurait indiqué aux fondateurs l'emplacement où devait se bâtir la ville. 

En Irlande, la déesse de la guerre, Bodb, porte le nom de la corneille. Le corbeau joue ailleurs un rôle fondamental dans le récit gallois intitulé Breudwyt Ronabwyle songe de Ronabwy : les corbeaux d'Owein, après avoir été massacrés par les soldats d'Arthur, réagissent violemment et taillent à leur tour en pièces les soldats. Le corbeau est encore très pris en considération dans le folklore LERD, 58). Il est un animal sacré chez les Gaulois. 

La mythologie germanique en faisait les oiseaux et les compagnons de Wotan. Dans la mythologie scandinave, deux corbeaux sont perchés sur le siège d'Odin, l'un est Hugin, l'esprit, l'autre Munnin, la mémoire ; deux loups se trouvent aussi prés du dieu, les deux corbeaux représenteraient le principe de création, les deux loups le principe de destruction "

 

  • On retient 2 hypothèses sur ces oiseaux:

 

  1. Il lui racontent ce qu'il se passe dans le monde, comme Les Corbeaux d'Odinn.  Le Corbeau est l'oiseau de  Apollon.
  2. ils jouent le rôle de messager des dieux, et des morts remplissant une fonction Oraculaire ( Apollon Moritasgus puisque nous sommes vers Alesia.) Ce Rôle est rempli par la Colombe ou le pigeon, le pays de Langres était réputé pour l'élevage de ces volatiles.

 

  • Le chien est l'animal chtonien de  Sucellos dans son rôle psychopompe de dieu de la vie et de la mort et  le gourdin/cep de vigne dans son rôle équivalent au Silvanus/Liber Pater.

 

  • le dieu tient une serpe et des fruits ou une cornocupia (corne d'abondance): Quand il est avec sa parèdre Nantosuelta la serpe de Sucellos a souvent remplacé le maillet  et les  fruits ou cornocupia ont  remplacé la  olla.

 

Ce dieu local d'Alesia et de Langres était  le dieu d'une région ou on élévait dans des volières des colombes ou de Pigeons pour les Oracles Tel que les sacrifices prophétique et même  la médecine divinatoire comme la pratiquait les druides.

 

Nous aurions affaire a un Dieu Hybride local , une fusion entre un Dis Pater Psychopompe dieu de la fertilité, agricole  (Sucellos), et un Dieu solaire Guerisseur Divinatoire  (Apollon Belenos): un Sucellos Apollon archaïque 

 

 le « dieu aux oiseaux », s’il connaît de probables représentations hors des territoires mandubien et éduen, est avant tout une divinité vénérée à Alésia entre la fin du Ier siècle et le début du IIIe siècle de notre ère. Si des variations sont observables dans son iconographie – bustes et têtes en ronde-bosse, statuettes et reliefs en pied –, on constate chez les Mandubiens que ses représentations en buste et tête seule sont assez homogènes dans leur composition et leurs proportions. Bien que plusieurs mains soient identifiées, les ateliers de sculpture d’Alésia ont suivi, sinon mis au point, une véritable tradition iconographique. Le buste d’« En Surelot » s’inscrit pleinement dans cette série et permet de formuler des hypothèses relatives au culte de cette divinité. Sans doute était-elle essentiellement vénérée dans un cadre domestique : les contextes de découverte et le rapport structurel entre le « dieu aux oiseaux » et le laraire l’indiquent. Cependant on ne doit pas pour autant écarter l’hypothèse d’un cadre d’exposition plus large que celui des cultes de la maisonnée ; tous les sanctuaires d’Alésia n’ont pas livré leurs secrets. Comme il en est souvent ainsi, les hypothèses présentées dans cet article participent à une recherche qui doit, pour être poursuivie, se doter de données de terrain supplémentaires.

 

 

 Aujourd’hui encore le « dieu aux oiseaux » gallo-romain demeure une divinité anonyme. Si la répartition de ses figurations indique une certaine popularité auprès des Éduens, c’est bien sûr chez les Mandubiens qu’ont été découverts la plupart des représentations du dieu. Récemment, un nouveau buste en pierre a été mis au jour au sein d’’un sanctuaire gallo-romain, au lieu-dit « En Surelot ». Il est alors possible de remettre une image du « dieu aux oiseaux » dans son contexte archéologique et de proposer une datation qui ne soit pas seulement établie sur des critères de style. En revenant sur le corpus des figurations du dieu, sur les symboles et attributs qui lui sont liés, et en étudiant plus précisément le buste d’En Surelot, il est maintenant possible d’en savoir plus sur une divinité indéniablement populaire.

 

 

Le dieu est barbu ; sa coiffure est traitée en grosses mèches entourant un front bas et tombant sur la nuque. L’arcade sourcilière est peu modelée, le nez est droit et large avec d’épaisses narines et les yeux gardent la trace de deux perforations figurant les pupilles. La bouche accuse une lèvre inférieure charnue en opposition à une lèvre supérieure à peine visible ; l’épaisseur des commissures est accentuée par le relief de la barbe. Le dieu est vêtu d’une tunique dont le plissé est encore visible. On distingue sur l’épaule droite un élément saillant en demi-lune ; il pourrait s’agir d’une agrafe fixant le manteau;

 

Les oiseaux frappent par leurs proportions bien supérieures à celles du dieu. Leur corps renflé s’étire sur toute la profondeur de l’objet. Sur les bords extérieurs, on peut voir une patte à trois griffes pour chacun des volatiles. Les ailes sont refermées et plaquées le long du corps ; chacune d’elles est décorée par trois degrés suggérant les plumes.

 

Ce buste constitue le neuvième exemplaire connu du « dieu aux oiseaux » et peut être remis dans un contexte archéologique précis et bien documenté. Là réside peut-être la clef de compréhension d’une divinité encore mystérieuse à bien des égards. Plusieurs questions se posent à son sujet : quelle identification pour ce dieu ? Quelles sont ses origines, ses influences ? Quel est le cadre de son culte ? Ces questions ont déjà connu quelques éléments de réponse (TOUTAIN, 1920 ; NEWELL, 1939 ;COLOMBET, 1949 ; DUVAL, 1957 ; DEYTS, 1992). Nous pensons être en mesure aujourd’hui de contribuer à la connaissance du « dieu aux oiseaux » en apportant de nouvelles informations et pistes de réflexion.


Les figurations en buste répondent toutes à la même organisation : un dieu barbu dont on représente l’encolure et les épaules, sur lesquelles sont juchés deux oiseaux de grande taille. Les deux têtes en ronde-bosse suivent ce schéma global. Tous les volatiles dont les têtes sont conservées adoptent une disposition semblable : dominant légèrement la tête humaine, ils tournent le bec vers elle, comme pour lui adresser la parole. Enfin, têtes et bustes sont la plupart du temps figurés sans base moulurée, hormis un exemplaire conservé au musée Alésia (Esp. 7680). Avec cependant des proportions plus proches de la nature, la même disposition des animaux peut être constatée dans les deux figures en pied. Le laraire « des Pasquiers » (Esp. 2208), près de Dampierre-sous-Bouhy (Nièvre), ne déroge pas à la règle, bien qu’on représente dans l’édicule un probable dieu au maillet et au sommet la tête du dieu, encadrée de ses oiseaux vus de profil.

 

 

 

Les dieux de Moux et de la statuette d’Alésia répondent à une iconographie semblable à celle des bustes et des têtes. Cependant, les différences entre les deux, si elles ne sont pas nombreuses, ne peuvent pas être vides de sens : chien et vêtement indigène dans le premier cas, Cerbère, cuirasse et probable couronne crénelée dans l’autre. En bref, et comme c’est souvent le cas avec les petites représentations de divinités chez les Éduens ou les Mandubiens, on observe une même composition d’ensemble, servant de matrice à de nombreuses variations sur les vêtements, les attributs ou les compagnons, humains comme animaux.

 

Enfin, d’autres stèles éduennes et mandubiennes, si elles ne peuvent être directement intégrées à notre inventaire, méritent d’être évoquées. Plus problématiques en terme d’iconographie, elles ont en commun de figurer un oiseau associé à une divinité ; elles montrent l’assez grande variabilité des figurations de l’animal en tant qu’attribut divin.

 

 

Est-il possible de nommer plus précisément le « dieu aux oiseaux » ? Jules Toutain proposait de rapprocher sa physionomie de celle de Jupiter (TOUTAIN, 1920, p. 278). Barbe et chevelure participent sans aucun doute à ce parallèle ; qu’on ne s’y trompe pas, cela n’implique cependant pas une identification du « dieu aux oiseaux » à Jupiter. Dans cet ordre d’idée, le même argument pourrait être employé pour le mettre en lien avec Sucellus, le dieu au maillet, ou encore avec le dieu barbu si fréquent dans les « couples éduens ». Mais à nouveau le rapprochement ne semble pas devoir aller plus loin. Il n’en demeure pas moins possible que le « dieu aux oiseaux » et le dieu au maillet partagent des domaines de compétences similaires. Si l’on en juge par les attributs du dieu de Moux – chien, bâton, serpe et fruits en plus des oiseaux –, le « dieu aux oiseaux » peut partager avec ceux des « couples éduens » et Sucellus un rôle dans la maturation, l’acquisition et la protection des biens de la terre ; il pourrait être, comme eux, un dieu domestique, à la dimension chthonienne, un garant de la prospérité matérielle. Plus encore, on a pu lire dans l’oiseau seul une dimension infernale et un rôle psychopompe (BENOÎT, 1950, p. 55-56), dimensions renvoyées par le « Jupiter-Sérapis » – numéro 8 de notre catalogue. Si l’on peut spéculer sur une représentation isolée, la rigueur veut qu’au sein de l’ensemble du corpus on remette en doute le fait qu’il s’agisse systématiquement de la même divinité. Par exemple, le dieu de la forêt de Compiègne a pu être considéré comme étant Lug, hypothèse toute légitime du moment qu’on se cantonne à une lecture symbolique (GRICOURT,HOLLARD, 1997, p. 250). On ne saurait toutefois faire la même identification pour les autres représentations.

 

Les figurations en pied de Moux et d’Alésia dénotent une complexité de l’iconographie et une multiplication des attributs qui ont conduit à de très diverses identifications : Jupiter, Sérapis, Pluton, Ucuétis (ESPÉRANDIEU, 1931, p. 401-402) ou encore Moritasgus (NEWELL, 1939, p. 133-158). Aucune solution ne paraît satisfaisante in fine, et certainement pas l’assimilation à Moritasgus dont on connaît aujourd’hui le processus d’association à Apollon. Le dieu de Moux et le « Jupiter-Sérapis » d’Alésia demeurent donc des divinités très particulières, qui n’ont réellement de commun avec les bustes que la seule présence des oiseaux sur leurs épaules. Toutefois, ces deux représentations présentent des points communs entre elles. D’une part, certains attributs se répètent : dans les deux cas un chien est assis vers le pied droit du dieu qui tient un bâton dans la main droite. D’autre part, le traitement du vêtement présente des similitudes : le manteau est agrafé sur l’épaule droite, retombe en un lourd pli sur l’avant-bras gauche et couvre l’arrière du corps jusqu’aux genoux. Les rapprochements doivent en rester là en raison de la profonde différence dans le style de réalisation entre l’un et l’autre de ces exemples. Quoi qu’il en soit, et si les équivalences dans le plissé peuvent être imputables à une habitude figurative allant au-delà d’un style bien particulier, le chien et le bâton sont des éléments bien trop signifiants pour être ignorés. Cerbère dans un cas, chien commun dans l’autre, le rapport à la terre, voire à la dimension infernale, est indéniable ; ces seuls éléments pourraient suffire, dans un autre contexte, à identifier un Silvain. N’y aurait-il pas en effet un même rôle protecteur accordé au « dieu aux oiseaux » et au Silvanus domesticus, dont le culte est attesté en Gaule comme à Rome, mais dont les marques de vénération atteignent aussi la Dacie et la Pannonie (DORCEY, 1992, p. 28) ? Mais, à nouveau, le partage de domaines de compétences n’implique pas automatiquement une assimilation d’une divinité à une autre.

 

Au bout du compte, nous ne pensons pas qu’il soit possible aujourd’hui de donner un nom antique propre à cette divinité, ni que cette quête soit réellement essentielle. En effet, la diversité de ses attributs suggère des spécialisations, propres à chaque représentation, rendant compte de sa grande plasticité iconographique et peut-être aussi symbolique. Il convient alors d’accepter que ce dieu demeure anonyme. Toute tentative pour l’assimiler à une divinité connue par ailleurs se heurtera à l’absence d’information épigraphique, seule capable de trancher la question.

 

Enfin, il faut rappeler que des parallèles au « dieu aux oiseaux » ont été recherchés dans d’autres panthéons. Ainsi, P-M. Duval le considère comme un « signe d’archaïsme, particulièrement tenace dans le paganisme populaire » (DUVAL, 1957, p. 54). Il en fait par la suite une preuve de la résistance des divinités gauloises à Rome (ibid., p. 65). D’une manière générale, les divinités accompagnées d’un ou plusieurs animaux sont nombreuses en Gaule romaine : Epona, Sirona ou Damona, pour ne citer qu’elles. Mais il est certainement excessif de voir uniquement dans ce principe d’association un héritage de l’indépendance gauloise, le concept n’étant pas étranger aux Grecs et aux Romains. L’oiseau reste toutefois un animal à la symbolique bien spécifique, essentiellement d’ordre oraculaire (TOUTAIN, 1920, p. 281). On pense en premier lieu à Apollon et au corbeau ou au corbeau messager du Soleil dans le culte de Mithra. Mais les mythologies nordique et irlandaise donnent elles aussi une dimension semblable aux oiseaux, d’où le rapprochement fait depuis longtemps entre le « dieu aux oiseaux » et Odin. Ce dernier est aussi appelé Hrafnagud, le « dieu aux corbeaux » : le rapport est symbolique d’abord (REINACH, 1997, p. 215) mais peut-être aussi iconographique. Le musée de Roskilde, au Danemark, possède par exemple une statuette en argent du début du Xesiècle figurant Odin flanqué de ses deux corbeaux, Huginn et Munninn, « Pensée » et « Mémoire » (fig. 7). On y voit ces volatiles juchés chacun sur l’un des accoudoirs du siège du dieu et tournant leur bec comme pour s’adresser à lui ; cette disposition rappelle de celle du « dieu aux oiseaux » gallo-romain. Ces rapprochements opérés par le passé doivent être aujourd’hui considérés avec prudence. Actuellement, aucun élément ne permet de soutenir l’hypothèse d’un héritage iconographique d’une culture à l’autre. Il reste malgré tout intéressant de considérer le rôle de l’oiseau au sein de panthéons différents puisqu’il constitue l’unique attribut et élément de distinction du « dieu aux oiseaux ».

 

 

 

Inventaire des représentations du « dieu aux oiseaux » Pierre-Antoine Lamy

1 - Buste en ronde-bosse. Prov. Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or)

Découvert fortuitement durant l’hiver 1903-1904 par E. Maratrat au lieu-dit « En Curiot » [033].
Calcaire à entroques local. Haut. 16,5 cm ; larg. 23,5 cm ; prof. 22,5 cm.
Colombe de gauche acéphale ; celle de droite est recomposée à partir de deux fragments.
Buste d’un dieu barbu aux cheveux bouclés couvrant les oreilles, vêtu d’une tunique à col circulaire. Deux colombes sont juchées en léger retrait sur ses épaules. Celle dont la tête est conservée tourne son bec vers lui, à l’arrière du crâne.
Conservé au Musée Alésia, Alise-Sainte-Reine (Inv. MM S.100).
Collections du Musée municipal d’Alise-Sainte-Reine.
ESP., Recueil..., t. III, n° 2355 ; Mém. C.A.C.O., t. 14, 1901-1905, p. CXXXI-CXXXII.

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Fig. 8.Musée Alésia, dépôt du Musée Municipal d’Alise-Sainte-Reine, Conseil Général de la Côte-d’Or. Cliché D. Geoffroy.

2 - Buste en ronde-bosse. Prov. Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or)

Découvert le 5 novembre 1907 par V. Pernet au lieu-dit « Le Cimetière Saint-Père » [063] dans le sous-sol d’un habitat gallo-romain de la bordure sud du forum (point S du plan des fouilles de l’année, pl. I).
Calcaire à entroques local. Haut. 15 cm ; larg. 15 cm ; prof. 25 cm.
Les colombes sont acéphales. Un large éclat a emporté le visage du dieu et le tiers correspondant de la face inférieure.
Buste d’un dieu aux cheveux bouclés couvrant les oreilles. Deux colombes sont juchées en léger retrait sur ses épaules. Le tout est figuré sur un socle quadrangulaire.
Conservé au Musée Alésia, Alise-Sainte-Reine (Inv. 2003.1.28).
Collections de la Société des Sciences historiques et naturelles de Semur-en-Auxois.
ESP., Recueil..., t. III, n° 2377 ; ESPÉRANDIEU, 1909, « Les Fouilles d’Alésia de 1907 », Bull. de la Société des Sciences historiques et naturelles de Semur-en-Auxois, 1908-1909, n° 36, p. 296 et 332, pl. I, IX, 3.

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Fig. 9.Musée Alésia, fonds S.S.S., Conseil Général de la Côte-d’Or. Cliché D. Geoffroy.

3 - Buste en ronde-bosse. Prov. Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or)

Découvert en 1931 par É. Espérandieu au lieu-dit « La Fanderolle » [067], parcelle 499, contre un mur non loin d’un sous-sol, en même temps que la statuette Esp. 7684 et un ex-voto à Epona, Esp. 7685.
Calcaire à entroques local. Haut. 18 cm ; larg. 15,5 cm ; prof. 23 cm.
Les colombes sont acéphales. Visage du dieu amplement épaufré.
Buste sur une base rectangulaire d’un dieu barbu (?) aux cheveux formant une calotte couvrant les oreilles, vêtu d’une tunique à col circulaire. Deux colombes (?) juchées en léger retrait sur ses épaules tournent leur bec vers lui, à l’arrière de son crâne.
Conservé au musée Alésia, Alise-Sainte-Reine (Inv. MM S.102).
Collections du Musée municipal d’Alise-Sainte-Reine.
ESP., Recueil..., t. XI, n° 7680 ; ESPÉRANDIEU, 1931, « Compte rendu des fouilles sur l’emplacement d’Alésia (Mont Auxois) : découverte d’une statuette de pierre blanche et d’une plaque de bronze inscrite », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 75eannée, n° 4, 1931, p. 398-403.

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Fig. 10.Musée Alésia, dépôt du Musée Municipal d’Alise-Sainte-Reine, Conseil Général de la Côte-d’Or. Cliché D. Geoffroy.

4 - Tête en ronde-bosse. Prov. Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or)

Découvert le 23 septembre 1906 par V. Pernet au lieu-dit « Le Cimetière Saint-Père » [075] dans le puits n° 1 de la maison dite « au Silène ».
Calcaire à entroques local. Haut. 7 cm. ; larg. 14 cm ; prof. 9 cm.
Manquent la poitrine et la tête de la colombe de droite. Un léger éclat a emporté le sommet du crâne de l’oiseau situé à gauche. Visage du dieu amplement épaufré.
Tête et cou d’un dieu. Il est entouré de deux colombes figurées sur un même plan et non pas réellement sur ses épaules. Chacune tourne le bec vers lui ; on note pour l’oiseau de gauche, complet, l’attache du bec à la tête.
Conservé au Musée Alésia, Alise-Sainte-Reine (Inv. 2003.1.4).
Collections de la Société des Sciences historiques et naturelles de Semur-en-Auxois.
ESP., Recueil..., t. III, n° 2354 ; ESPÉRANDIEU, 1907, « Les fouilles d’Alésia de 1906 », Bull. de la Société des Sciences de Semur-en-Auxois, 1906-1907, t. 35, p. 266-267.

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Fig. 11.Musée Alésia, fonds S.S.S., Conseil Général de la Côte-d’Or. Cliché D. Geoffroy.

5 - Tête en ronde-bosse. Prov. Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or)

Découvert en 1925 par É. Espérandieu au lieu-dit « La Fanderolle » [067], dans un sous-sol, à l’extrémité orientale de la parcelle n° 505 de la section B du plan cadastral d’Alise-Sainte-Reine.

36Calcaire oolithique blanc à grain fin. Haut. 9 cm ; larg. 19 cm.
Tête de l’oiseau de droite recollée. Léger éclat à la pointe du nez.
Tête sans figuration du cou d’un dieu barbu aux moustaches saillantes et aux cheveux courts formant une calotte. Il est entouré de deux colombes figurées sur un même plan et non pas réellement sur ses épaules. Chacune tourne le bec vers lui. L’espace entre le bec et le poitrail n’a pas été évidé. Espérandieu rapporte l’observation de traces de peinture.
Conservé à la Fondation Flandreysy-Espérandieu, Palais du Roure, Avignon (Inv. A4).
ESP., Recueil..., t. IX, n° 7280 ; ESPÉRANDIEU, 1925, « Les fouilles d’Alise en 1925 : découverte d’un buste de dieu barbu avec deux colombes sur les épaules », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 69e année, n° 3, p. 222-224.

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Fig. 12.Cl. Archives Iconographiques du Palais du Roure – Avignon.

6 - Laraire en haut-relief. Prov. Dampierre-sous-Bouhy (Nièvre)

Découvert par l’abbé Clément en 1851, au nord-ouest de Dampierre-sous-Bouhy, au lieu-dit « La Motte Pasquier », aujourd’hui « Les Pasquiers », sur un massif de béton à 5 m en avant de la façade d’une villa.
Pierre. Haut. 42 cm ; larg. 30 cm ; prof. 14 cm.
Recomposé à partir de deux fragments (sommet de la stèle et base avec le dieu assis). Manquent les têtes du dieu et du chien ainsi que la majeure partie de l’attribut tenu en main droite. Le sommet figuré est amplement épaufré.
Laraire sur base, formé d’un édicule à quatre pilastres aux angles, cannelés dans leur partie basse, soutenant un fronton à antéfixe et acrotères. Sur la face, au tympan du fronton, figure une tête de dieu barbu entouré de deux colombes. Au revers, le sommet est cintré et décoré sur l’archivolte de rectangles concentriques en bas-relief. Dans la niche, dieu assis, chaussé, vêtu d’un tunique courte, tenant de la main gauche un vase en forme d’ollaou une corbeille de fruits et de l’autre un maillet dont il ne resterait que le manche (Espérandieu). On ne distingue aujourd’hui qu’un objet sphérique qui pourrait être une bourse. Un chien est couché vers son pied droit.
Conservé au Musée archéologique du Nivernais, Nevers, num. d’inv. PC 35.
ESP., Recueil, t. III, n° 2208 ; Abbé CLÉMENT, 1852, « Communication », in :Congrès archéologique de France, Séances générales tenues à Laon, à Nevers et à Gisors en 1851, n° 18, p. 179-183 ; « Séance du 8 janvier 1852 »,Bull. de la Société nivernaise des Sciences, Lettres et Arts, vol. 1, 1854, p. 38-43.

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Fig. 13.Cl. SNLSA – Nevers.

7 - Stèle en haut-relief. Prov. Corgoloin, hameau de Moux (Côte-d’Or)

Découvert fortuitement en 1959 au hameau de Moux, près de Corgoloin, au lieu-dit « Pré de la Chaume ».
Calcaire oolithique à grain fin. Haut. 35,5 cm.
Petits éclats à la base, au sommet et sur la cuisse gauche du dieu.
Stèle à sommet cintré. Dans la niche supportée par des pilastres latéraux est figuré un dieu barbu debout, de face, chaussé et vêtu d’une tunique courte, de braies et d’un manteau attaché sur l’épaule droite et couvrant la poitrine. Sur ses épaules sont juchés deux oiseaux (corneilles ?). Il tient de la main droite un bâton posé au sol, devant lequel est assis un chien, et de la main gauche une serpe retenant trois fruits ronds soutenus par un pli du manteau.
Conservé au Musée archéologique de Dijon, num. d’inv. 61.22.
MARTIN R., 1962, « Informations archéologiques. Circonscription de Dijon »,Gallia, t. XX, p. 440-443 ; DEYTS S., ROLLEY C., 1973, L’art de la Bourgogne romaine : découvertes récentes, Musée archéologique de Dijon, exposition organisée par la Direction des antiquités historiques de Bourgogne, n° 29 et pl. XIII ; DEYTS, 1976, n° 160.

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21/09/2016